LE HASARD
Quelques mots autour du hasard
ou
Le hasard n’est-il qu’un mot ?
Le hasard est certes un mot ; mais pas
n’importe quel mot.
Il se rapporte à une notion abstraite mais dont très peu ignoreront
l’existence qu’ils soient mathématicien, scientifique, littéraire, philosophe, sportif,
mécréant, croyant ou qu’ils se définissent comme « tout un chacun ».
Peu de personnes en effet nieront avoir rencontré le hasard, l’avoir
évoqué lorsqu’elles ne pouvaient ou voulaient trouver une cause à un évènement,
l’avoir évoqué comme recours lorsqu’elles ne parvenaient pas à se sortir d’une
situation.
En tant que notion abstraite et largement partagée, le hasard est donc
un mot rare qui mérite notre intérêt.
Du point de vue des
philosophes, le hasard a eu quelque temps droit de cité, dans une relation
complexe avec la nécessité (Cf. Démocrite) .
Mais, très rapidement, la philosophie Aristotélitienne (voir le Traité de Physique) lui a porté un
coup presque mortel en l’excluant des effets
habituels (que la raison devait expliquer), des effets reconnus nécessaires
(qui étaient rapportés aux Dieux s’ils échappaient à la raison) et en le
cantonnant à l’origine de phénomènes offrant la double caractéristique de leur
rareté et de leur faible importance.
Pour des raisons différentes mais sous pratiquement toutes ses
variantes, la philosophie européenne, à base rationaliste et déterministe,
s’est acharnée à nier ou à ignorer le hasard ;
Ce dernier a ainsi été diabolisé par KANT, méprisé par LEIBNITZ, honni par Jean-Paul
SARTRE.
Paradoxalement, le hasard a été réhabilité par des épistémologistes
(Cf. Gaston BACHELARD), par des mathématiciens (au premier rang desquels Henri
POINCARE) et par des scientifiques dont la raison était pourtant le principal
outil de travail (en même temps que le déterminisme était leur règle de
conduite).
Il est à noter que les scientifiques, et surtout les mathématiciens,
ne se sont pas contentés d’évoquer le hasard comme l’explication confortable
des insuffisances de leur raisonnement ; ils en ont traqué la signature au
travers de phénomènes simples, apparemment bien expliqués et ils ont osé en
simuler les effets pour y accéder en tant que l’objet d’étude qu’il n’avait pas
vocation à être.
Dans ce domaine, les théoriciens du chaos ont joué un rôle essentiel,
et nous proposent quelques questions
méritant d’être débattues.
En tout état de cause, le hasard interroge l’homme sur les limites de
sa raison, sur ses responsabilités, sur les conséquences de ses actions, sur
ses origines et son avenir, sur les fondements de sa foi (ou de sa
non-foi), sur sa place dans l’univers...
Ainsi, même en admettant qu’il ne soit qu’un
mot , il mérite peut-être son café-philo.