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La démocratie est-elle illusoire ?


Compte-rendu Café-philo Apt du 22/02/2013

Présentation de la question par Jacques Roux

Le problème de la démocratie n’est pas abordé de front, mais  selon un angle original.
C’est la notion de représentation, dans sa généralité, qui sert de voie d’entrée dans la problématique.
La représentation est considérée comme le symptôme d’un fonctionnement social pathologique. Elle est en effet essentiellement normative : l’anormal serait ce qui n’a pas droit à la représentation.
La représentation peut donc être lue comme l’expression d’une configuration psychologique névrotique. Le névrose n’est-elle pas une crispation sur des signes de valeurs afin d’y faire rentrer à tout prix tout ce qui advient ?
Cette interprétation serait confirmée dans le champ politique, par les deux domaines d’exclusion de la représentation :
la monarchie absolue,
l’exigence populaire de démocratie directe.
Le monarque absolu exclut la représentation parce que son action vaut toujours pour elle-même ; mais il en est de même du peuple qui agit pour refuser le pouvoir établi.
C’est pourquoi la bourgeoisie crée la catégorie psychiatrique de « paranoïa ». Elle disqualifie ainsi comme cas pathologique le monarque qui prétend tout régenter avec ordre et clarté.
Mais le peuple révolté subit le même sort car, selon l’orateur, la catégorie psychiatrique de « schizophrénie » a été créé par la bourgeoisie pour disqualifier comme pathologique son comportement fauteur de troubles.
Entre ces deux pôles – l’omnipotence du monarque et la confusion de la démocratie directe du peuple – la bourgeoisie, arrivée au pouvoir, a ménagé l’espace de la représentation.
Dans le domaine politique cela se traduit par la démocratie élective de représentants des sociétés occidentales depuis les révolutions de la fin du XVIII° siècle.
L’orateur approfondit la compréhension du champ politique actuel à travers cette grille d’interprétation psychiatrique. Notre démocratie élective exprime la névrose bourgeoise. Comme toute névrose, elle se développe sur un refoulement, celui d’une réalité sociale infiniment plus riche que les représentants qu’elle promeut voudraient la faire paraître ? Cette richesse est représentée par le peuple, dont la prétendue schizophrénie n’est que l’expression de l’angoisse bourgeoise face à la possibilité d’un monde qui aurait mis bas toutes ses valeurs, en particulier sa valeur suprême : la valeur d’échange (l’argent).
Si bien que cette présentation se termine sur une note optimiste. Le monde névrosé bourgeois est une impasse qui ne peut que mener à la mise à découvert de la vitalité sociale qu’il refoule. L’orateur s’appuie en particulier sur des mouvements actuels de réforme politique qui lui paraissent prometteurs. C’est le cas du projet de refondation constitutionnelle initié par Étienne Chouard. Ce projet évacue en effet la représentation en préconisant la désignation des responsables politiques par tirage au sort.
Références (site Internet de Jacques Roux) :
http://melchisedek.free.fr/amphibologie/
http://melchisedek.free.fr/encoreuneffort/

Débat

Les participants ont exprimé leur intérêt pour l’acuité du regard sur la démocratie apporté par cette approche psychiatrique. Ils ont cependant surtout échangé sur les problèmes que pose notre système politique actuel qui se proclame « démocratie », prenant au mot, et de manière concrète, l’intitulé de la soirée « la démocratie est-elle illusoire ? ».
Ce fut surtout l’illusion d’être « représenté » par les élus qui fut soulignée. Ceux-ci, en effet, ont été décrits comme une élite dominante qui arrive relativement bien à se perpétuer, en s’appuyant en particulier sur la complaisance des médias pour franchir les échéances électorales. Outre cette complaisance, ont été dénoncés en particuliers : les formations élitistes (Sciences Po, ENA, etc), le cumul des mandats, la reconductibilité indéfinie des mandats, la mainmise des partis sur les candidatures et le rôle déterminant de l’argent dans les élections.
Mais les échanges ont permis aussi de mettre en valeur d’autres aspects de la vie politique qui ont amené à nuancer ce diagnostic négatif. Ainsi a été mis en évidence le rôle incontestable de représentant et de gestionnaire désintéressé que peut prendre très souvent l’élu local, surtout dans les petites communes ou collectivités. On a également souligné l’importance d’espaces nouveaux de démocratie directe sur Internet qui ont montré leur potentiel en certaines occasions, en particulier lors du référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005. On a enfin reconnu la responsabilité des citoyens dans l’ankylose de la démocratie représentative : ce sont eux aussi qui acceptent d’être divertis au lieu de surveiller les agissements de leurs élus, comme ce sont eux qui se laissent très souvent séduire par les sollicitations passionnelles (les images de la figure paternelle, du sauveur, de la peur, etc.) au lieu de privilégier la raison et le débat sur les problèmes de la société.

Café-philo du 22 février 2013



En préparation de notre débat du 22 février, voici un texte de Jacques ROUX qui en assurera la présentation.

Une approche psychodynamique de l’idée de démocratie

La paranoïa est le dispositif psychique dont l’on tend à affubler celui qui affectionne l’organisation politique de type monarchiste et de façon général de type « autoritaire ». C’est le concept que les bourgeoisies européennes ont inventé pour mettre hors d’état de nuire tout individu susceptible de vouloir restaurer un tel régime. Il apparaît à l’issue de la révolution Française et fait toute l’autorité de l’expertise psychiatrique naissante à partir du code pénal de 1810. Définition : hypertrophie du moi, psychorigidité, sentiment de grandeur, délire en secteur ou en réseau avec conservation de l’ordre et de la clarté des jugements et des idées dans les autres domaines.

La schizophrénie désigne le défaut ou le déficit mental que l’on attribue à tout acteur susceptible de remettre en question l’ « ordre des choses », du moins tel qu'il est conçu par la classe dominante en Europe et en Russie à l’époque des menace de soulèvement populaires véritables, soit la fin du XIXème siècle. C’est le désir politique de démocratie pure, c’est-à-dire de la justice interclasses et du partage des pouvoirs sans rapports de domination, qui caractérise les différentes « personnalités schizoïdes » que le XXème siècle cherchera à « diagnostiquer » voire à stigmatiser, et en tout cas à maintenir à distance des décisions et du champ social de l’autorité et de la représentation. Définition : délire chronique dissociatif avec affaiblissement global des facultés intellectuelles, dissociation des idées entre elles et dissociation entre les idées et les affects (que l’on appelle « discordance »).

Ces deux « psychoses » chroniques ne sont donc pour moi pas plus attachées à un dysfonctionnement du corps que ne le sont les « névroses » dont ils sont le complément dans l’ordre des « structures psychopathologique ». Du point de vue de la question de la « représentation » on voit que celle-ci constitue une sorte de passage obligé entre les positions historiques et anthropologiques des monarchies et des empires où elle n’a aucune nécessité d’existence en tant que telle, et aucune fonction à remplir, et le régime de la démocratie idéale (c’est-à-dire non représentative) dans laquelle elle devient tout aussi superflue, puisque les institutions permettent à l’opinion pondérée des acteurs d’influencer les décision nationales au prorata probabiliste de ce que veut le plus grand nombre, et qu'en outre toutes les procédures constitutionnelles tendent à favoriser les conditions du débat impliquant directement les citoyens de la base.

La paranoïa est la façon d’être qui privilégie la richesse et l’importance des acteurs (règne de la quantité).
La schizophrénie est l’attitude qui recherche à interroger en chaque être la présence et l’implication (règne de la qualité).

Entre ces positions extrêmes et c’est peut-être pour ça qu'elles sont dites « psychotiques », je les dirais plutôt « entières » car elles sont « totalisantes », il se trouve donc une zone de partage correspondant à la névrose bourgeoise et à l’étirement des processus de la « représentation » entre d’une part les processus obsessionnels de sélection (scolaires, entrepreneuriaux, associatifs, …) et de façon antinomique les processus hystériques d’élection festive, ludique, divertissante, médiatiques. Cet espace de la névrose de représentation peut faire penser à ce que Michel Clouscard distingue dans « La bête sauvage » comme capitalisme monopoliste d’état (CME) et capitalisme concurrentiel libéral (CCL), ou bien à la façon dont il oppose marché de la production opprimant le travailleur et marché du désir émancipant les possédants.

Une telle structure oppose, quoiqu'il en soit, les procédures subjectives et objectives de la « représentation », à une attitude qui ne peut être que la « présentation » de l’être ou son « expression » non médiatisée par l’autre, par l’institution, à la limite, par la langue. Il y a un usage immédiatement représentatif de la langue comme on peut en faire un usage directement ou immédiatement expressif.


Une pseudo-démocratie qui se crispe sur des procédures médiatisées et déléguées de l’expression mise en commun, vise davantage à recréer des foyers de dureté et à figer la structure du rapport des classes, là où une démocratie résolument participative et visant à court-circuiter systématiquement tous les errements de la représentation, vise à détendre les conflits de prestance et à soulager les rapports de concurrence distinctive qu'ils génèrent dans le champ social.


Le modèle sur lequel nous continuons d’idéaliser la démocratie est plus encore que la constitution d’Athènes, le modèle de société préconisé par le Christ, dont on ne peut pas dire qu'il ait été mis en application. Il faut dire qu'il n’avait pas proposé de modèle de constitution. Il a donné l’ « idée » de l’objet dans une forme pour nous très complémentaire de la Grèce, l’idée sans le programme. Il en a donné l’idée par sa seule attitude politique.


Mais il reste que ce dernier procédé fait l’objet d’un ostracisme de la part des groupes de pression (qui sont aussi des groupes de « représentation »), même lorsqu'ils sont plus discrets encore que les francs-maçons ou que l’opus dei. La représentation n’est pas obligatoirement bruyante. Elle n’en est pas moins directement intéressée à toutes les récupérations possibles de prestance, de pouvoir, d’argent, de connaissances utiles, d’informations profitables, de savoirs-faire valorisants.


La représentation reste donc la consistance du fait politique la plus proche du pôle d’extraction des systèmes autoritaires par opposition à toutes les velléités de « participation » (tirage au sort, référendum, jurys citoyens, …) qui constituent la zone de frottement avec ce que serait une démocratie « entière » et donc entièrement folle mais tellement plus heureuse et franche !


Une réalisation historique partielle de ce système est sûrement pour moi le vécu bienheureux des trente glorieuses dans des conditions historiques très particulières, mais où une mise en commun de la protection sociale et une redistribution de fait a été actée et accepté par un consensus longtemps non contesté (au bénéfice il faut le dire du plan Marshall, de l’exploitation du nucléaire, de l’équilibre de la dissuasion, de la guerre froide, d’une évaluation douteuse de l’avenir des retraites …). Il reste que quelque chose d’un heureux partage politique a pu permettre par exemple les conditions du partage d’une médecine qui se sont bien effondrées depuis 1990. La sécurité sociale a su réaliser ce partage presque sans défauts pendant quelques années, réalisant le montage aberrant politiquement, mais combien efficace, d’une enclave de fonctionnement communiste dans l’univers pourtant très présidentiel et représentatif d’un pays en position de reconstruction.

Il va de soi que la pure ou la vraie démocratie émancipée des lourdeurs de la représentation est une utopie. Est-ce une raison pour accepter le rabattement systématique de l’hystérie de consommation ambiante sur les processus d’élection de personnages choisi systématiquement parmi les plus arrivistes, les plus hâbleurs, et les moins intéressés aux partage qu'il placent au pinacle lors des campagnes et oublient dès le lendemain du scrutin.


Le mot « démocratie » sert à toutes les argumentations dans le dispositif des opinions dites « politiques » ; il sert à soutenir tous les projets, toutes les critiques, les espérances les plus variées, les plus incompatibles.  Je voudrais donc  défendre sans parti pris, le sens pleinement politique du concept de démocratie, tel que le présente par exemple EtienneChouard, dans la finalité d’une véritable « représentation » de la « volonté générale » au travers de la volonté du plus grand nombre, et par le seul moyen qui l’exprime objectivement : le tirage au sort.

Le tirage au sort est la seule procédure qui soit susceptible de « rendre présente » sur la scène du gouvernement, l’opinion pondérée statistiquement. Il va de soi que l’élection des représentants ne le permet pas, avec ses rejetons obligatoires, que sont la professionnalisation de la fonction politique, le cumul des mandats, le clientélisme et le lobbying électoral, la collusion avec les experts et donc le court-circuit de la séparation des pouvoirs, la propagande électorale noyautée par les grands groupes de pression, la publicité morale de l’état pour la République et de la République pour l’état, la récupération mutuelle des partis par les médias et des médias par les partis.
Le tirage au sort, à l’instar de l’ « élection des représentants » permet une expression statistique objective de l’opinion moyenne sans sélectionner par mécanisme les personnalités les plus arrivistes, et donc ne correspondant pas à l’homme de base, sans qualité de fascination particulière.


A l’envers des dérives de la « représentation », fétichisme collectif des signifiants du pouvoir, toutes les procédures de tirage au sort ou d’élection portant sur des objets autres que des « représentants », ne peuvent aller que dans les sens d’une expression objective des attentes du plus grand nombre. On se confond donc en arguments devant la difficulté de mise en place de telles procédures (déjà utilisés dans certains pays tels que la Suisse), sur la difficulté pratique de la chose, sa limitation nécessaire à des petites structures, pour la réalisation pratique de procédures qu’un usage du net rendrait maintenant possibles et simples à l’échelle des plus grandes nations.

Le tirage au sort ne s’adresse pas à un « programme » ni à un parti, mais délègue la responsabilité à un acteur responsable de sa seule opinion. Le tirage au sort de volontaires non renouvelables et exerçant sur des mandats courts peut s’accompagner d’un contrôle qui aurait à être pratiqué par des groupes ou des structures elles-mêmes tirées au sort.

Les magistrats ainsi désignés ne représentent plus qu’eux-mêmes une fois en fonction et prennent leurs décisions en leur âme et conscience. De tels officiants (gouvernants ou législateurs) sont soumis à des règles de séparation des pouvoirs qui impliquent aussi les pouvoirs médiatiques, financiers et commerciaux, industriels, et particulièrement bien-sûr les partis politiques.